Guidage satellitaire pour un supertanker dans l'Arctique

Un superpétrolier, le SCF Baltica [1], a emprunté pour la première fois la Route maritime du Nord (Sevmorpout), avec le concours de brise-glaces et en s'appuyant sur des prises de vue satellitaires. La compagnie Scanex a rapporté que du 14 au 27 août, le SCF Baltica, chargé de condensat de gaz, a effectué le trajet de Mourmansk au cap Dejnev, à la pointe extrême-orientale de la partie continentale de la Russie, avant de poursuivre sa route, via le détroit de Béring, dans le Pacifique. Le pétrolier a rallié son port de destination, Ninbo, en Chine, vers le 6-7 septembre. Durant la traversée des glaces, l'expédition était dirigée par les dirigeants des sociétés Sovkomflot (propriétaire du tanker) et Atomflot, respectivement Sergueï Frank et Viatcheslav Roukcha.

L'Arctique.

Le succès de cette première expérimentale via la Route maritime du Nord réalisée par un pétrolier géant revêt une grande importance pour l'intensification du transport de fret commercial entre la Russie, l'Europe et la Chine par ce tracé, et pour le développement économique de l'Arctique. Le gain de temps qu'autorise la Sevmorpout est de 45%, comparativement à l'itinéraire classique par le canal de Suez.

Jamais des pétroliers de gros tonnage de classe océanique ne s'étaient aventurés sur la Route maritime du Nord. Lors des différentes étapes de sa progression sur le tracé, et notamment lors de la traversée des détroits de Vilkitski, Sannikov et Long, le pétrolier a été épaulé par les brise-glaces nucléaires Taïmyr, Rossia et Cinquantenaire de la Victoire. La caravane a rencontré de gros blocs de glace dans la
mer de Kara, a forcé le barrage de glace de Taïmyr, a traversé des glaces éparses dans la mer de Laptev et des blocs de glace agglomérés dans la mer de Sibérie orientale. Pour évaluer la situation des glaces tout au long du parcours des navires et choisir le meilleur itinéraire, les clichés satellitaires de détection de Radarsat-1 ont été utilisés.

Pour l'obtention, le traitement et la transmission des données, les centres de réception du
réseau du Centre d'ingénierie technologique Scanex ont été mis à contribution, en l'occurrence les stations de réception automatiques au sol UniScan situées à Moscou, Méguion et Magadan. Après traitement, les données étaient mises rapidement sur Internet par le biais du géoservice Atomflot-Kosmosnimki. Le géoservice a été créé sur la base de la technologie GeoMixer pour régler les problèmes d'Atomflot. C'est pour cette dernière société qu'en 2010 Scanex a effectué la collecte et le traitement des données de télédétection satellitaire concernant la situation des glaces sur les tracés de la Sevmorpout et des mers non arctiques de la Russie concernées par le gel.

Durant la période de navigation estivale, Atomflot a utilisé à maintes reprises les données satellitaires pour la progression des caravanes sur le tracé de la Route maritime du Nord. L'expérience montre que le recours à des prises de vues spatiales permet d'améliorer non seulement la sécurité, mais aussi l'efficacité économique du travail des brise-glaces dans les conditions de l'Arctique.

Source: BE Russie numéro 35 (4/10/2010) - Ambassade de France en Russie / 

Une galaxie invisible dans l'Univers lointain découverte grâce à la radioastronomie

C'est une découverte totalement inattendue, due à la chance: en recherchant un disque de débris proche avec le télescope de 30m de l'Institut de Radioastronomie Millimétrique (IRAM) [1], une équipe internationale, menée par des chercheurs du Laboratoire d'Etude du Rayonnement et de la Matière en Astrophysique [2], a découvert la galaxie submillimétrique (SMG) la plus intense de l'hémisphère Nord aux longueurs d'ondes millimétriques en détectant l'émission de l'énorme quantité de poussière qu'elle recèle, l'obscurcissant et la rendant invisible en optique. L'équipe a découvert en plus un énorme réservoir de gaz moléculaire dans cette galaxie qui leur a permis de déterminer son décalage vers le rouge (redshift), et donc sa distance. Ce décalage vers le rouge est de 3,93, ce qui implique que la galaxie a envoyé ses photons quand l'Univers était encore très jeune (10% de son âge actuel). L'ensemble des données photométriques indique aussi que l'énergie de la galaxie provient principalement d'une flambée de formation d'étoiles et non de l'activité d'un trou noir supermassif au centre de cette galaxie.

Le quasar du "Trèfle à quatre feuilles", composé de 4 images gravitationnelles:
en vert le gaz HCN détecté en radio, superposé à l'image du télescope spatial Hubble. Redshift z=2,56.
Crédit: © HST. NASA-ESA.
 
C'est en cartographiant une région d'un demi degré carré du ciel avec le radiotélescope de 30m de l'IRAM à la longueur d'onde de 1,2mm, que les chercheurs ont fait cette découverte. Ils étaient à la recherche de l'émission de poussière froide dans d'hypothétiques disques de débris autour d'étoiles proches, lorsqu'ils ont détecté une source très intense, si rare qu'a posteriori on estime que la probabilité de la trouver était moins de 7%.

Tout d'abord, et puisqu'il n'y avait aucune contre-partie optique évidente dans les catalogues astronomiques, ils ont pensé à une jeune étoile très froide, dans notre Galaxie, nichée dans le nuage de gaz et de poussière lui ayant donné naissance, mais ils n'ont pas trouvé la signature de ce gaz proche. L'équipe a alors envisagé l'hypothèse plus audacieuse d'une galaxie très active, fabriquant en quantité des étoiles massives explosant rapidement en supernovae et noyant la galaxie dans leurs poussières. La conséquence prévisible de cette hypothèse était l'existence d'un énorme réservoir de gaz moléculaires associé qui devait être décelable par des
observations de radioastronomie. Les chercheurs ont pointé à nouveau le radiotélescope de 30m de l'IRAM muni de son nouveau récepteur EMIR à large bande de fréquences vers cet objet et ont eu la satisfaction de détecter la raie d'émission du monoxyde de carbone (CO) qui est le gaz moléculaire le plus couramment détecté dans les galaxies, confirmant la nouvelle hypothèse. Finalement, alors qu'ils s'attendaient bien à un décalage de la raie d'émission du CO vers le rouge (vers les basses fréquences), nommé redshift ou z, à cause de la vitesse de fuite des galaxies, leur surprise a été de taille en mesurant un redshift aussi élevé que z=3,92960+/-0.00013, impliquant une distance telle que nous observons la galaxie telle qu'elle était quand l'Univers avait seulement le dixième de son âge.

L'analyse des spectres prouve que la majorité de la poussière est chauffée à une température de 45K. A partir des raies de CO observées, les astronomes en ont déduit que la masse du gaz est comprise entre 200 et 1 000 milliards de masses solaires. Ils ont déduit aussi que les radiations de cette galaxie invisible en optique étaient émises aux longueurs d'ondes comprises entre l'
Infrarouge lointain et le millimétrique avec une puissance équivalente à celle produite par 500 000 milliards soleils. Son taux de formation d'étoiles serait aussi extrême, soit plus de 80 000 soleils formés par an, taux 50 fois supérieur à celui des galaxies les plus prolifiques connues à ce jour. Ces valeurs extrêmement élevées ne peuvent être réconciliées avec nos idées actuelles sur la formation d'étoiles qu'en évoquant un effet d'amplification de la galaxie par une lentille gravitationnelle en avant-plan. Par ailleurs, la température d'excitation modérée des raies de CO observées exclut un chauffage dominé par l'activité d'un trou noir supermassif au centre de la galaxie, et privilégie l'idée que cette galaxie est bien le siège de flambées de formation stellaire.

Afin de comprendre la vraie nature de cette source exceptionnelle, d'autres observations à plus haute résolution spatiale doivent maintenant être engagées pour rechercher des signatures de la lentille gravitationnelle. Nous pouvons déjà prévoir que l'objet va nous apparaître sous la forme de plusieurs images, comme le quasar du "Trèfle à quatre feuilles", ou va s'étaler dans un anneau d'Einstein comme le quasar PSSJ2322+1944.

L'anneau d'Einstein PSS J2322+1944, observé en raie CO(2-1) avec l'interféromètre du VLA. Redshift z=4,12. Crédit: © NRAO.
 
Selon le facteur d'amplification, cette galaxie lointaine et jeune pourrait nous renseigner sur l'ancêtre des Galaxies Infrarouges Lumineuses Simples (LIRG) proches, comme les galaxies en interaction "des Antennes", ou des Galaxies Infrarouges Ultralumineuse (ULIRG) proches, comme le système de galaxies en fusion Arp 220.
Image optique du télescope spatial Hubble des galaxies en interaction "Les Antennes",
qui sont des Galaxies Infrarouges Lumineuses (LIRG). Redshift z=0,006.
Crédit: © HST. NASA-ESA.
 
Les galaxies en fusion Arp 220, une Galaxie Infrarouge Ultralumineuse (ULIRG),
comme vu en proche infrarouge par le télescope spatial Hubble. Redshift z=0,02.
Crédit: © HST. NASA-ESA.
 
Source: CNRS / INSU
Illustrations: Voir les légendes
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