Une équipe européenne d'astronomes a déterminé la distance de la galaxie la plus éloignée jamais observée en utilisant le très grand télescope (VLT) de l’ESO. En analysant soigneusement la lueur extrêmement faible provenant de la galaxie, ces astronomes ont constaté qu’ils étaient en train de l’observer alors que l’Univers avait à peine 600 millions d'années (le décalage vers le rouge, ou redshift, est de 8,6). Il s’agit des premières observations confirmées d’une galaxie dont la lumière dissipe l’opaque brouillard d’hydrogène qui emplissait le cosmos dans les premiers temps de l’Univers. Ce résultat est publié dans la revue Nature du 21 octobre 2010.
La galaxie UDFy-38135539 capturée par Hubble en 2009.
"En utilisant le Very Large Telescope de l'ESO, nous avons confirmé qu'une galaxie repérée auparavant avec le télescope spatial Hubble était l'objet le plus lointain dans l'Univers, jamais observé jusqu’à présent", déclare Matt Lehnert, premier auteur de l’article scientifiquepuissance du VLT et de son spectrographe SINFONI nous permet de mesurer avec exactitude la distance de cette galaxie très peu lumineuse et nous constatons que nous la voyons lorsque l'Univers avait moins de 600 millions d'années." présentant ces résultats. "La
En dépit de ces difficultés, la nouvelle caméra à grand champ (la Wide field Camera 3) installée au foyer du télescope spatial Hubble de la NASA/ESA a découvert en 2009 plusieurs objets constituant de sérieux candidats pour être des galaxies observées à cette période de réionisation. La confirmation des distances pour des objets si faibles et si éloignés constitue un énorme défi. Ces distances peuvent seulement être déterminées en utilisant les spectrographes qui équipent les très grands télescopes au sol pour mesurer le décalage vers le rouge de la lumière des galaxies.
Matt Lehnert explique: "Après l'annonce des galaxies "candidates" détectées par Hubble, nous avons fait un rapide calcul et nous avons été enthousiastes en constatant que la très grande puissance collectrice du VLT, lorsqu’il est associé à la sensibilité du spectroscope infrarouge SINFONI et à une très longue durée d'observation, doit nous permettre de détecter la lueur extrêmement faible d'une de ces galaxies très éloignées et de mesurer sa distance."
Grâce à une requête spéciale adressée au Directeur Général de l’ESO, cette équipe a obtenu du temps de télescope avec le VLT et a observé une galaxie candidate appelée UDFy-38135539 pendant 16 heures. Après deux mois d’analyses méticuleuses et de tests de leurs résultats, les chercheurs ont constaté qu'ils avaient clairement détecté la lueur très faible de l'hydrogène avec un décalage vers le rouge de 8,6, ce qui fait de cette galaxie l'objet le plus éloigné jamais confirmé par la spectroscopie. Un décalage vers le rouge de 8,6 correspond en effet à une galaxie observée juste 600 millions d’années après le Big Bang.
Nicole Nesvadba, co-auteur de l’article scientifique, résume ce travail: "Mesurer le décalage vers le rouge de la galaxie la plus distante détectée jusqu’à présent est un travail vraiment enthousiasmant en lui-même, mais les implications astrophysiques de cette détection sont bien plus importantes. C'est la première fois que nous savons avec certitude que nous observons une des galaxies ayant percé le brouillard qui remplissait le très jeune Univers".
Une des choses étonnantes au sujet de cette découverte c’est que la lueur d'UDFy-38135539 semble ne pas être assez forte pour dissiper toute seule le brouillard d'hydrogène.
"Il doit y avoir d'autres galaxies, probablement plus faibles, moins massives et proches d’UDFy-38135539, qui ont également aidé à rendre l'espace transparent autour de cette galaxie. Sans cette aide additionnelle, la lumière de la galaxie, quel que soit son éclat, aurait été absorbée dans le brouillard d'hydrogène environnant et nous n'aurions pas pu la détecter", explique Mark Swinbank et co-auteur de l’article.
Jean-Gabriel Cuby, un autre co-auteur, remarque que "l’étude de la période de réionisation et de la formation des galaxies pousse au maximum de leurs possibilités les télescopes et les instruments existant, mais c'est justement ce type de problématique scientifique qui sera ‘monnaie courante’ quand l’European Extremly Large Telescope (E-ELT) de l’ESO – qui sera le plus grand télescope optique et proche infrarouge au monde – sera opérationnel."
Source: ESO
Illustration: NASA/ESA Hubble Space Telescope
Illustration: NASA/ESA Hubble Space Telescope