Il aura fallu seulement quatre jours à l'équipe responsable de l'exploitation du LHC au CERN1 pour passer des protons aux ions plomb. À peine le dernier faisceau de protons pour 2010 était-il extrait, le 4 novembre, que la mise en service avec le faisceau d’ions lourds commençait l’après-midi même. Les premières collisions ont été enregistrées à 0 h30 CET le 7 novembre et des conditions stables ont été obtenues pour l’expérimentation avec ions lourds, le lendemain, à 11 h 20 CET.
"La rapidité avec laquelle on est passé aux ions plomb témoigne de la maturité du LHC, a estimé le Directeur général du CERN, Rolf Heuer. Il n’aura fallu que quelques mois d’exploitation courante pour que la machine marche comme sur des roulettes."
Un événement enregistré par l’expérience ALICE, issu des premières collisions d’ions plomb
à une énergie dans le centre de masse de 2,76 TeV par paire de nucléons.
à une énergie dans le centre de masse de 2,76 TeV par paire de nucléons.
L’exploitation du LHC avec ions plomb (des atomes de plomb débarrassés de leurs électrons) est radicalement différente de l’exploitation avec protons. De la source jusqu’aux collisions, les paramètres de fonctionnement doivent être redéfinis pour ce nouveau type de faisceau. Pour les ions plomb (comme précédemment pour les protons), on a commencé par envoyer un seul faisceau dans l’anneau, dans un seul sens, avant d’augmenter progressivement le nombre de tours. On a ensuite procédé de même avec le faisceau de sens inverse. Les deux faisceaux une fois en circulation, ils ont pu être accélérés jusqu’à la pleine énergie, soit 287 TeV par faisceau. Une valeur beaucoup plus élevée que pour les faisceaux de protons car les ions plomb contiennent 82 protons. D’autres ajustements minutieux ont ensuite été nécessaires avant d'aligner les faisceaux pour les faire entrer en collision et finalement constater que les conditions nominales de prise de données ("faisceaux stables") étaient atteintes. Pour les trois expériences qui enregistrent des données avec des ions plomb (ALICE, ATLAS et CMS), cela signifie le début d’une exploitation continue avec des ions plomb jusqu’à l’arrêt technique hivernal, qui commencera le 6 décembre.
"Le LHC s’est remarquablement bien adapté aux ions plomb. C'est impressionnant, a déclaré Jurgen Schukraft, porte-parole de l'expérience ALICE. Le détecteur ALICE a été optimisé pour enregistrer les très nombreuses traces issues des collisions d'ions et a très bien géré les premières collisions. Nous sommes donc prêts à explorer les nouvelles possibilités que nous offre le LHC."
"Après une période de collisions de protons très fructueuse, nous nous réjouissons de passer à cette nouvelle phase de l’exploitation du LHC, a déclaré Fabiola Gianotti, porte-parole d’ATLAS. Le détecteur ATLAS a enregistré de premiers événements ions lourds spectaculaires et nous sommes impatients de les étudier de près."
"CMS a été conçu pour être un détecteur polyvalent, a déclaré Guido Tonelli, porte-parole de la collaboration. Il est très gratifiant de constater qu’il s’adapte extrêmement bien à ce nouveau type de collisions. Un même détecteur à même de collecter des données dans un mode proton-proton et un mode ions lourds constitue un outil puissant pour rechercher des signatures claires de nouveaux états de la matière.
L’exploitation avec ions plomb ouvre ainsi de toutes nouvelles perspectives au programme LHC ; elle permettra de sonder la matière telle qu’elle existait dans les tout premiers instants de l’Univers. L’un des principaux objectifs est de produire d'infimes quantités de cette matière, le plasma quark-gluon, et d’étudier son évolution vers la matière qui constitue l’Univers aujourd’hui. Cette étude permettra de mieux comprendre les propriétés de l’interaction forte, qui lie les particules appelées quarks pour former des objets plus grands comme les protons et les neutrons.
Après l’arrêt technique hivernal, l’accélérateur sera redémarré, avec des protons, en février, et l’expérimentation pour la physique se poursuivra tout au long de 2011.
Source et illustration: CERN