L’expérience ALPHA au CERN vient de réaliser une avancée importante dans le développement de techniques pour comprendre l’une des énigmes de l’Univers, à savoir, ce qui différencie la
matière (La matière est la substance qui compose tout corps ayant une réalité tangible. Ses trois états les plus communs sont...) de l’antimatière. Dans un article publié cette semaine dans la revue
Nature, la collaboration annonce qu’elle a réussi à produire et à capturer des
atomes (Un atome (du grec ατομος, atomos, « que l'on ne peut diviser ») est la...) d’antihydrogène. Cette avancée va ouvrir la voie à de nouvelles méthodes pour réaliser des mesures précises sur l’antihydrogène, et ainsi permettre aux scientifiques de comparer la matière et l’antimatière.
L’antimatière – ou plutôt l’absence d’antimatière – reste l'un des plus grands mystères de la science. La matière et l’antimatière sont identiques, mais ont une
charge (La charge utile (payload en anglais ; la charge payante) représente ce qui est effectivement transporté par un moyen de...) opposée. Elles s’annihilent au contact l’une de l’autre. Lors du
big bang (Le Big Bang[1] désigne l’époque dense et chaude qu’a connue l’univers il y a environ 13,7 milliards...), matière et
antimatière (Il s'agit ici d'une approche plus "philosophique" sur les questions posées par l'antimatière, ou sur ses applications...) devraient avoir été produites en
quantité (La quantité est un terme générique de la métrologie (compte, montant) ; un scalaire, vecteur, nombre...) égale. Or, nous savons que notre
monde (Le mot monde peut désigner :) est constitué uniquement de matière: l’antimatière semble avoir disparu. Pour découvrir ce qu’il est advenu de l’antimatière, les scientifiques utilisent diverses méthodes qui ont pour but de déterminer si une infime différence entre les propriétés de la matière et celles de l’antimatière pourrait apporter un début d’explication.
L’une de ces méthodes consiste à prendre l’un des systèmes les mieux connus de la physique, l’atome d’hydrogène, constitué d’un
proton (Le proton est une particule subatomique portant une charge électrique de 1,602×10-19 coulombs. Il fut découvert en 1919...) et d’un
électron (L'électron est une particule élémentaire de la famille des leptons, et possèdant une charge électrique élémentaire de...), et de vérifier si son homologue dans l’antimatière, l’antihydrogène, constitué d’un antiproton et d’un positon, se comporte de la même manière. Le CERN, avec son installation pour antiprotons de basse
énergie (Dans le sens commun l'énergie désigne tout ce qui permet d'effectuer un travail, fabriquer de la chaleur, de la...), est le seul laboratoire au monde où de telles recherches puissent être menées.
Vue générale de l'expérience ALPHA.
Le programme antihydrogène ne date pas d’hier. En 1995, les neufs premiers atomes d’antihydrogène produits en laboratoire l’ont été au CERN. Puis, en 2002, les expériences ATHENA et ATRAP ont montré qu’il était possible de produire de grandes quantités d’antihydrogène, et ainsi ouvert la voie à la réalisation d’études détaillées. Le nouveau résultat d’ALPHA constitue la plus récente des étapes de ce voyage (Un voyage est un déplacement effectué vers un point plus ou moins éloigné dans un but personnel (tourisme) ou...). Les atomes d’antihydrogène sont certes produits sous vide au CERN, mais ils sont entourés de matière ordinaire. La matière et l’antimatière s’annihilant au contact l’une de l’autre, ces atomes d’antihydrogène ont une espérance de vie très brève. Celle-ci peut toutefois être allongée à l’aide de champs magnétiques intenses et complexes qui permettent de capturer les atomes d’antihydrogène et ainsi d’empêcher qu’ils entrent en contact avec la matière. L’expérience ALPHA a montré qu'il est possible de conserver de cette manière des atomes d'antihydrogène pendant un dixième de seconde ( Seconde est le féminin de l'adjectif second, qui vient immédiatement après le premier ou qui s'ajoute à...), un laps de temps (Le temps est un concept développé pour représenter la variation du monde : l'Univers n'est jamais figé, les...) suffisamment long pour pouvoir les étudier. Sur les milliers d’antiatomes produits par l'expérience ALPHA, 38, selon le dernier résultat, ont été capturés suffisamment longtemps pour être étudiés. "Pour des raisons que l’on ignore encore, la nature a exclu l’antimatière. Il est donc très gratifiant et assez impressionnant de savoir que le dispositif d’ALPHA contient des atomes, neutres et stables, d’antimatière, explique Jeffrey Hangst, de l’Université d’Aarhus (Danemark), et porte-parole de la collaboration ALPHA. Cela nous incite à poursuivre nos efforts pour découvrir les secrets de l’antimatière." Toujours dans le cadre du programme antimatière du CERN, l’expérience ASACUSA a mis au point récemment une nouvelle technique pour produire des atomes d’antimatière. Dans un article qui paraîtra prochainement dans Physical Review Letters, la collaboration annonce qu’elle a réussi à produire de l’antihydrogène dans un "piège à étranglement", étape préalable indispensable en vue de la production d’un faisceau. ASACUSA envisage de développer cette technique afin de pouvoir disposer de faisceaux d’intensité suffisante et d’une durée de vie assez longue pour être étudiés. "Nous disposons désormais de deux méthodes pour produire et finalement étudier l’antihydrogène ; l’antimatière ne devrait donc pas pouvoir conserver ses secrets encore bien longtemps, estime Yasunori Yamazaki, du centre de recherche japonais RIKEN, et membre de la collaboration ASACUSA. Il reste encore du chemin à parcourir, mais nous sommes ravis de constater que cette technique fonctionne aussi bien." "Ces résultats représentent des avancées importantes pour la recherche sur l’antimatière, a déclaré le Directeur général du CERN, Rolf Heuer, et tiennent une place importante dans le vaste programme de recherches mené au CERN. Des informations complètes sur la technique développée par la collaboration ASACUSA seront disponibles une fois l’article publié.
Source: © CERN
Illustration: © CERN